Gilles raconté obscurément. Sous ses bonnes manières, les portes de la bonne société lui ouvrent Naturopathe désœuvré, ses conseils d’hygiène de vie il distribue. Visionnaire, une prédilections pour les prédictions fiévreuses il a. Philanthrope, gracieusement ses prédications alcoolisées il dispense. Il pousse son caddie mécaniste, à conception matérialiste dans les allées de Fourrecar, son caddie remplit au carburant de ses désirs, sans pénurie, de crainte aucune. Ce temple intérieur, c’est ses quartiers ! Son regard clandestin dessine les frontières cartésiennes de son royaume, petit. Ourlé d’un déambulatoire spiralaire, extension serpentine et extatique ; ses pieds, sur un lit d’artichauts extravagants divaguent, dans le rayon des fruits et légumes il s’allonge. Dans son anesthésie aux mille et une et mille et une facettes, pur transe, pure wild et cathartique, des dominos d’ébonite à la manière d’un catalogue La Déroute raisonnée, il aligne. Sous son drap de cendres chaudes son corps transpire. Le vent met à nu ce corps humide, sans organe aucun. Le foehn, made in heaven, lui souffle à l’oreille : « Tu es en vie ». Dans son plus simple appareil, la machine désirante s’éveille… « Sous ton crâne couvent esprit de négation et désirs monomaliques, au dessus de ton crâne chauve domine le toit de verre, au dessus du toit flotte le drapeau en berne de tes illusions, sous ton toit, toi seul, ta peau nue et le drap froissé, échoué. » L’épisode sous le vent clôture la séquence amnésique. Gilles, ces parkings bitumeux qui enflamment sa voix intérieure, fréquente aussi. L’engrenage de sa logorrhée égrène des mots creux, répétés, obsédants et infinis : « J’ai envie de macaronis au fromages arrosés d’un Pineau rouge des Charentes. » Ces mots dessinent l’envers creusé du décor organique. Ils excavent la maison de verre peuplée de mille fantômes. Comme C’est tout comme… L’usurpateur magnifique au syndrome mal inspiré, le poète amnésique, échoué dans des limbes sans acoustique , le rêveur presbyte qui capte au vol ses croyances sourdes et muettes, le pisse-vinaigre prostatique qui pisse-froid face au vent les nuits de pleine lune, le voyageur qui rêve d’un destin homérique dans le confort de son fauteuil club tout cuir le philosophe qui retourne aux sources noires, à l’aplomb d’une coupole dantesque, l’ange déchu qui s’apparaît sous la forme d’un destin blanc, question d’image, le chanteur-chimiste de l’amour et de la mort, du vice et de la vertu, l’amoureux transis qui habite plus près de lui que de sa veine jugulaire l’inquisiteur aveugle qui décapite dans les ténèbres ce qui dépasse, le procureur, maître de cérémonie et consultant en gestion du temps perdu, le puni à perpétuité qui peine à contenir la débâcle annoncée de son corps, le jeune homme au physique de l’emploi, flou, infus, diffus et dissout, l’inventeur de lui-même qui se consume à trop se chercher, le chroniqueur acide, à zones de haute sensibilité, qui vit loin de lui-même le bourgeois névrosé tourmenté par la crainte obsédante de son déclassement, le velléitaire insatiable enclavé dans l’angle mort de ses fantasmes, le mou du bulbe, tiède et poreux, qui flatte les peurs du réel, le croque-mort qui essore les corps caverneux pour en extraire les origines, l’égaré dans le vide charnel d’un palais à volonté, le comédien prisonnier des coulisses dont le judas donne sur scène, le percussionniste perclus, à combustion lente, le consolateur endeuillé dont les mots encombrent le silence, le blasphémateur blasé, dont le corps se dilue quelque part dans l’atmosphère, le dramaturge qui enserre ses mots dans des parenthèses étanches, l’influenceur au corps liquide qui diffuse sa moiteur pour désaltérer, le matérialiste sans substance et mal colmaté qui ne peut étancher sa soif, l’égaré loin de lui-même, l’anxieux anémié, l’enfant chimique, le savant saveur d’Orient, le concubin concupiscent, l’esthète cholestérolé, le douanier sans visa, le chercheur siliconé, l’équilibriste désaccordé, l'innocent sadisé, le clandestin égaré, le funambule sans corde. Ça se passe près de chez vous… ! Peut-on guérir de ces choses-là ?